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Channel: Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste
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Piège de cristal - Die Hard, John McTiernan (1988)

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John McClane, un policier new-yorkais, arrive à Los Angeles pour rendre visite aux siens, installés en Californie depuis que son épouse travaille pour une grande firme japonaise, et résoudre les problèmes de couple occasionnés par cette séparation. Alors qu’il rejoint sa femme lors de la réception donnée par son patron en haut du grand building de l’entreprise nippone, le Nakatomi Plaza, un commando de terroristes européens investit les lieux et prend en otage tous les employés. McClane parvient à s’échapper discrètement…

John McTiernan avait avec Predator(1987) signé un vrai classique du cinéma d’action et après avoir montré ses aptitudes dans ce qui était seulement son deuxième film, il était fin prêt à révolutionner le genre. Die Hardest un projet de longue haleine dont le résultat aurait pu être très différent. Le film est une adaptation très libre du roman Nothing Lasts Foreverde Roderick Thorp. L’ouvrage est une suite du Détectiveprécédent ouvrage de Thorp adapté en 1968 avec Frank Sinatra. Ce dernier est donc rattaché au projet pour y reprendre son personnage mais sera trop âgé quand le projet prend forme au milieu des 80’s. Dès lors il est décidé de recycler le postulat en actionner lambda 80’s, Arnold Schwarzenegger devant y reprendre le rôle de John Matrix qu’il tenait dans le buriné Commando (1985). La star autrichienne décline et le projet passera sans succès entre les mains de Sylvester Stallone ou encore Burt Reynolds. Le producteur Joel Silver convaincu par le brio de McTiernan l’engage à la réalisation et ce choix conjugué à celui de Bruce Willis (star télé dans la série Clair de luneet pas du tout associé au cinéma d’action à l’époque) orientera le film dans une direction plus audacieuse. 

Le héros d’action chez John McTiernan ne s’impose pas par sa force physique ou sa virilité, mais surtout par son astuce et sa ténacité. Dans ses meilleurs films le réalisateur met à mal les clichés machistes, conférant à ses personnages une vulnérabilité dans laquelle ils vont puiser des ressources morales et/ou intellectuelles qui vont leur permettre de s’en sortir. L’imposant Arnold Schwarzenegger semblera bien frêle face au chasseur extraterrestre surarmé de Predator et devra en revenir à un état primitif pour survivre. Ce même Schwarzenegger rigolard et invincible dans le film dans le film de Last Action Hero (1993) se montre emprunté dans le monde réel, donnant un réel sens et danger à son héroïsme. On peut ajouterLe 13e guerrier (1999) et son prince arabe devant lui aussi apprivoiser les mœurs viking pour survivre face à une tribu cannibale. Die Hard est la meilleure illustration de cet aspect à travers John McClane (Bruce Willis), pure incarnation du héros maverickrétif au monde qui l’entoure, pour le meilleur et pour le pire. 

McTiernan le caractérise immédiatement comme une anomalie face à la superficialité et la supposée modernité ambiante. Atterré par les mœurs californiennes désinvolte dès sa descente de l’avion, il tiquera tout autant à la familiarité et à la consommation de cocaïne qui règne au sein de la société Nakatomi. Cette imposante tour de verre symbolise l’Amérique capitaliste des 80’s, le corporatisme international avec ce Japon synonyme de modernité mais aussi son couple en crise depuis que son épouse Holly (Bonnie Bedellia) a décidé d’y mener carrière. Ce côté poisson hors de l’eau deviendra un atout lorsqu’il s’agira de contrecarrer les plans de dangereux cambrioleurs maquillés en terroriste qui vont prendre l’immeuble en otage.

McTiernan définit l’héroïsme de McClane par sa débrouillardise, sa désinvolture et sa volonté qui s’oppose à la froide organisation et au méthodisme des malfrats emmenés par le terrible Hans Gruber. A la technologie, l’armement lourd et à l’élégance vestimentaire de Gruber et ses sbires répondra le marcel de plus en plus crasseux, le système D et l’humour en toutes circonstances de McClane. Si Gruber s’avérera un ennemi retors et vicieux, McTiernan fait endosser ce côté négatif par d’autres protagonistes que les méchants. Le yuppie Ellis (Hart Bochner) périra par sa stupide arrogance, tout comme les hilarants agents du FBI Johnson et Johnson (Robert Davi et Grant L. Bush) tous tirés à quatre épingles et imbus d’eux-mêmes. 

Ils se perdront en sacrifiant à un système (Ellis et son idéologie capitaliste pensant que tout s’achète) ou une méthodologie (Johnson et Johnson appliquant sans réfléchir le processus face à une opération terroriste) quand McClane ne fait confiance qu’à lui-même et improvise au gré des situations. Le scénario défini cette idée avec le vrai objectif des malfrats (un cambriolage d’envergure masqué en opération terroriste) et McTiernan le résume en une scène magistrale quand le tank hi-tech et imposant de la police avance fièrement sur la musique martiale de Michael Kamen avant d’être dégommé d’un coup de bazooka par les méchants.

La mise en scène de McTiernan offre également une vrai réflexion dans le duel que se mènent Gruber et McClane. Gruber a savamment préparé son hold-up, plaçant scrupuleusement hommes et matériel dans cette tour Nakatomi qu’il a parfaitement étudiée. Lui et ses sbires et y déambulent selon un plan défini, suivant une topographie des lieux qu’ils maitrisent et le réalisateur leur fait suivre des environnements ordinaires (salle de réunions, bureaux, sous-sol) sur des lignes verticales et horizontales. Il en va tout autrement pour McClane en perpétuelle découverte de cette tour Nakatomi au fil des dangers encourus. Cela sera un handicap comme une force, la prise de risque permanente se conjuguant à une imprévisibilité qui désarçonnera toujours les terroristes si bien organisés. Impossible de définir une ligne pour l’avancée chaotique de McClane s’adapte au lieu et aux situations, tour à tour rampant dans les conduits, sautant dans le vide ou escaladant les patios d’ascenseur. 

Quand ses ennemis s’approprient les lieux, McClane s’y adapte. La mise en scène fluide de McTiernan fait parfaitement fonctionner cette approche, dans un mouvement constant associé à la musicalité d’un montage conférant une énergie folle à l’ensemble. La manière dont toutes les situations et informations convergent pour montrer la prise de pouvoir des terroristes au début est une véritable leçon de maîtrise par McTiernan. Le montage et l’art du raccord font figures d’ellipse sans jamais avoir à surligner par une scène ou un dialogue superflu une information passant par l’image (McClane repérant une sortie et s’éclipsant à l’arrivée des terroristes) et faisant confiance à l’intelligence du spectateur. Cette fluidité et élégance visuelle (magnifique photo de Jan De Bont) atteint des sommets lors des montées de tension, McTiernan excellant pour amplifier un rebondissement comme ce travelling avant vers Gruber quand il devine l’identité de l’épouse de McClane, la photo se saturant de lense flare pour accentuer la dramaturgie et loin de l’usage stérile qu’en fait aujourd’hui un JJ Abrams. De même ce calme avant la tempête lors du face à face final est une pure merveille où le côté cowboy roublard de McClane est totalement exploité.

Bruce Willis, aussi sarcastique qu’intrépide invente une véritable icône moderne avec John McClane. Alan Rickman dans son premier rôle au cinéma impose une présence onctueuse et impitoyable. Chaque échange verbal et face à face en fera des adversaires malins et sournois qui rend l’affrontement palpitant. Même les quelques facilités et conventions (l’amitié entre Willis isolé et le policier en uniforme Reginald VelJohnson, la scène finale) passent toutes seules tant elles se fondent bien dans le ton et la continuité du récit, constamment ludique dans son déroulement sans se départir de son suspense. Un très grand film qui deviendra un mètre-étalon maintes fois copié (il faudra attendre Matrix (1999) pour que le cinéma américain aille chercher ailleurs l’inspiration en terme d’action) et qui connaîtra quatre suites dont on ne retiendra que Une Journée en enfer (1995) où McTiernan renouvèlera à nouveau le genre dans un style sur le vif qui annonce le chaos d’un Paul Greengrass. 

Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Fox 


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