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Channel: Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste
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Princess Bride - Rob Reiner (1987)

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 Pour divertir son petit-fils, alité pour une mauvaise grippe, un homme commence à lui raconter une histoire qu'il a entendue souvent au cours de son enfance : celle de la princesse Bouton d'or. Après la mort de son fiancé Westley, assassiné par des bandits, la belle jure de ne plus jamais aimer personne. Jusqu'au jour où, cinq ans après cette tragédie, elle finit par accepter d'épouser le prince Humperdinck. Trois hommes organisent alors l'enlèvement de Bouton d'or : un bretteur espagnol en quête de vengeance et un géant, menés par un nain astucieux. Mais un homme masqué les met en échet et s'enfuit avec la princesse.

Princess Bride est un véritable film culte des années 80 proposant une vision décalée et plaisante du conte. A l’origine il s’agit d’un roman écrit par William Goldman en 1973. La 20th Century Fox en décèle aussitôt le potentiel et achète les droits en vue d’un film devant être réalisé par Richard Lester (autant dire qu'on l'a échappé belle). L’exécutif du studio en charge du projet est renvoyé peu avant le début du tournage et scelle alors le projet. Quelques années plus tard, le réalisateur Rob Reiner tombé sous le charme du livre va tenter à son tour d’en financer une adaptation. Cette seconde tentative va aussi marquer le retour au cinéma de William Goldman qui signe le scénario de son livre, et fit auparavant les belles heures du cinéma hollywoodien des années 60/70 avec des classiques comme Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill (1969), Marathon Mande John Schlesinger (1976) ou encore Les Hommes du président de Alan J. Pakula (1976). 

On comprend l’attrait de Rob Reiner pour l’histoire tant ses précédents films faisaient de lui le candidat idéal pour la mettre en image. Il a en effet montré son talent pour capturer une certaine candeur enfantine dans le plus grave Stand by me (1986) d’après Stephen King, et également son art de la dérision potache (où il s’inscrit dans la lignée de son père le comique Carl Reiner) avec le faux documentaire This is Spinal tap (1984) se moquant des excès d’un groupe de hard-rock. Plus tard dans ce registre sensible, amusé et plus adulte il fera également des merveilles avec la comédie romantique Quand Harry rencontre Sally (1989). Tout ici est une affaire d’équilibre entre émerveillement propre à captiver l’enfant diégétique joué par John Savage écoutant l’histoire de son grand-père (Peter Falk), et l’enfant spectateur du film, avec la dérision du grand-père narrateur et de même l’adulte spectateur. Le début de l’histoire mettant en image une sorte de cliché de sentimentalité de conte dans le rapprochement entre Bouton d’or (Robin Wright la candeur incarnée) et son valet de ferme Westley (Cary Elwes). Une niaiserie qui n’échappe pas au jeune auditeur mais que le roublard narrateur vient progressivement pervertir à coup de personnages loufoques et de situations décalées, sans jamais dévier du vrai récit picaresque ainsi que d’une tonalité de conte.

Le scénario de William Goldman dresse une connivence tacite avec le spectateur qui anticipe en amont certaines révélations à différents stades du récit (l’identité du jeune homme masqué, les informations clés circulant sans explication entre les protagonistes) et devine le pastiche tout en acceptant un vrai premier degré et intérêt pour le sort des personnages. Les écarts ont donc un but narratif, de caractérisation archétypale mais toujours dans l’action (la joute d’épée aux coups improbables) et servent donc tout autant l’efficacité que la nature ludique de l’histoire. La mise en scène de Rob Reiner est là pour rendre limpide ces ruptures de ton, notamment l’emphase dramatique contenue dans ce mouvement de grue passant par deux fois du prince Humperdinck (Chris Sarandon) annonçant fiançailles puis mariage depuis une tour surplombant le peuple, à la malheureuse Bouton d’or contrainte à son sort. Par la seule image Reiner exprime ainsi l’arrogance du prince tout comme la basse extraction qui condamne implicitement Bouton d’or. 

Le grotesque du contexte se conjugue donc à une noirceur en filigrane, par certains designs grotesques et horrifiques propre à amuser comme effrayer (le rat des marais de feu), tout comme la sournoiserie des méchants qui ne donne pas dans le manichéisme esthétique pour nous les rendre détestables. Chris Sarandon est à ce titre étincelant de charme et de pédanterie en Humperdinck manipulateur mais guère intimidant. L’ultime confrontation avec Westley où le duel mental révèle sa lâcheté est un beau désamorçage des clichés. Reiner ne frustre cependant pas notre appétit d’épique, orchestrant un brillant duel entre Inigo Montoya (Mandy Patinkin) et l’assassin de son père. La manière dont il répète son mantra vengeur, retrouve ses forces et avance à coup d’épée vers son ennemi à six doigts est tout simplement jubilatoire et Rob Reiner retrouve le temps d’une scène le souffle des grands heures hollywoodiennes classiques à la Scaramouche(1952). 

L’esthétique du film est à l’avenant entre facticité surannée et vraie flamboyance formelle, entre les paysages d’Irlande et les intérieurs des studio Shepperton. Princess Bride s’inscrit dans un mouvement de déconstruction du conte présent dans les années 80, mais dans une démarche plus rieuse que par exemple son contemporain sombre La Compagnie des loups de Neil Jordan (1984). Le but est ici est de ne pas être dupe tout en acceptant de se laisser emporter par la grâce d’un raconteur doué, une nouvelle fois sur deux échelles. Celle du petit garçon frustré de ne pas avoir la conclusion romantique initialement rejetée, et encore et toujours celle du spectateur satisfait du voyage. Un vrai film culte qui avec le temps n’a trouvé qu’un vrai beau successeur, le divin Stardust de Matthew Vaughn (2007). 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Metropolitan


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